sommaire i & Mac

Editorial N°3 - août 2000

Système et hardware Apple :
le look comme manière de penser?


Que fait donc la firme à la pomme monochrome pour les utilisateurs de base, pour tous ceux qui veulent voir l'informatique devenir aussi simple à utiliser qu'un poste de radio? En ce sens, penser autrement, comme Apple l'a toujours revendiqué, ne semble plus être son souci, sinon sur des questions de "look". Les dernières machines et les différentes démonstrations de Mac OS X confirment cette tendance : esthétique, certes, mais par ailleurs?... Là est la question.

Pour Mac OS X, hors de ses menus transparents et de son Finder bourré d'effets spéciaux, nous devrions pouvoir en juger rapidement à travers une version non définitive, version "bêta", qui devrait pouvoir être téléchargée sur le site d'Apple en septembre. Apprécions déjà cette initiative : les versions "bêta" des systèmes d'exploitation d'Apple n'étant habituellement jamais mises à la disposition du public. Testées par un plus grand nombre d'utilisateurs que de coutume, Mac OS X ne devrait qu'en être plus robuste, les bugs constatés par le public, à partir de configurations et de modes d'utilisation d'autant plus variés que les testeurs seront nombreux, pouvant être éliminés avant la mise en vente de la version définitive.

Reste à savoir si, oui ou non, Apple a prévu de créer une structure capable de gérer sérieusement tous les commentaires que le public-testeur pourrait faire... Car ils risquent d'être extrêmement nombreux. Et quel casse-tête monumental pour Apple, lorsqu'il s'agira de faire la part des choses, de déterminer quel bug rapporté est un bug réel et général et quel autre ne l'est pas, ne relèvant que d'un problème exceptionnel et particulier (mauvaise configuration de base, fichier endommagé, câble défectueux, etc... etc...). Si une telle structure n'était pas mise en place à quoi bon donner à télécharger cette version bêta ? J'espère au moins qu'Apple ne poussera pas le vice jusqu'à inviter chacun à télécharger cette version sans pour autant offrir à chacun la moindre adresse email, ni la moindre page web permettant de faire part des éventuels bugs décelés... Sinon il faudrait considérer que cette mise à disposition n'est qu'un pur calcul marketing : uniquement destinée à permettre à chacun de sa familiariser, avant sa mise en vente, avec le fonctionnement de Mac OS X, si différent de celui de tous les OS précédents d'Apple.

Quant aux nouveaux ordinateurs :

  • nouvelles couleurs pour les iMacs (les constructeurs et revendeurs de périphériques translucides vont s'amuser...) et prix en baisse (le DV de base passant au tarif de l'ancien 350 Mhz) et une montée en puissance de 50 Mhz sur chaque modèle (entrée de gamme à 400 Mhz et DV à 450 Mhz).
  • La plus grande surprise esthétique est due à un modèle sans écran intégré, en forme de tout petit cube, embarquant en G4< à 450 Mhz. Un modèle qui pourrait causer quelques ennuis à Apple sur un terrain sur lequel elle a plutôt l'habitude d'en créer : sur celui du design. En effet, ce modèle ressemblerait de très près à un modèle de serveur Cobalt...
  • les deux mod&egrave;les haut de gamme (Powermacs) sont maintenant bi-processeurs, l'un intégrant deux G4 cadencés à 450 Mhz, l'autre deux G4 cadencés à 500. Selon les tests d'Apple, le modèle le plus musclé serait deux fois plus rapide qu'un PC équipé d'un microprocesseur à 1Ghz.
  • Ces deux bombes étaient censées être équipées des nouvelles cartes ATI RADEON 256. C'est en tous cas ce qui était prévu avant que Steve Jobs, qui devait annoncer l'événement au salon MacWorld de New York, n'apprenne l'existence de fuites sur le sujet. Convaincu que ces fuites provenaient de chez ATI, Steve Jobs fut très très très mécontent ! Il fit donc ôter toute référence à ATI dans le salon et refusa de dire un seul mot sur la société et sur ses cartes d'accélération graphique pendant toute sa conférence. Mais comme si la punition n'était pas suffisante, Apple n'annonce jamais sur son site, que de simples cartes ATI 128 Pro à l'intérieur de ses nouvelles machines...
  • Pour agrémenter cube et Powermac, deux nouveaux écrans plats à cristaux liquides font leur apparition en 17 pouces et 15 pouces.
  • Une souris USB sans bouton ! On a souvent pu reprocher aux souris Apple, comparées à celles du monde PC, d'être moins pratiques parce qu'elles ne comportaient qu'un bouton... Au lieu de suivre cet exemple, Apple n'a pas trouver mieux d'éliminer tout bouton... Il paraît que toute la surface de la souris peut faire office de bouton, qu'il suffirait de tapoter... Je demande à voir... Par ailleurs, elle est débarasssée de la traditionnelle boule et équipée d'un mécanisme optique permettant d'enregistrer ses déplacements de manière très sensible et de l'utiliser sur n'importe quelle surface. Et ceux pour lesquelles une souris digne de ce nom ne pouvait pas être ronde, retrouveront là un objet de forme de forme oblongue.
  • Un nouveau clavier USB... sans bouton de démarrage ! La possibilité de démarrer ou d'éteindre son ordinateur directement depuis le clavier a toujours été une petite merveille signée Apple et longtemps jalousée par le monde PC. Apple l'a retirée. Pourquoi ? Un designer allergique aux boutons ?... Mis à part aux traditionnels boutons de clavier noirs ?... Oui, ceux dont on lit difficilement les inscriptions... Il en a au moins rajouté un qui, très bonne idée, permet l'éjection directe des CD et DVD.

Rien de bien neuf, en somme. Ces nouveautés relèvent plutôt de l'anecdote (boutons, design) ou d'un choix technologique simplement effectué dans le but de proposer des machines plus puissantes et moins encombrantes. C'est là le train-train de tout constructeur informatique. Où est l'innovation tant attendue, l'ordinateur plus révolutionnaire et plus humain que nous pouvions attendre d'Apple à l'image de ses débuts ? Elle ne semble pas pour aujourd'hui. En dehors du formidable logiciel de montage vidéo iMovie, livré avec tous les iMacs DV, Apple n'a pas conçu, depuis bien longtemps, le moindre programme facilitant la vie du grand public. Son système d'exploitation gonflant d'une version sur l'autre au point de devenir toujours plus difficile à maîtriser pour l'utilisateur de base. Certes, la concurrence ne semble pas à la hauteur, Apple ayant encore, et de loin, le système d'exploitation grand public le plus convivial qui soit, un système si supérieure aux autres que seuls les choix stratégiques d'Apple expliquent encore la domination d'un Windows. Le monde PC, bien tristement, en est toujours réduit à rivaliser sur le terrain du hardware, tentant de répondre en proposant des microprocesseurs aux fréquences toujours plus élevées installés dans des unités centrales vendues au plus bas prix. La recette fonctionnait encore très bien, il n'y a pas si longtemps, jusqu'à l'arrivée des puces G3 puis G4 créés par IBM et Motorola. Lorsqu'Apple en équipa ses machines, la donne fut changée. Le meilleur rapport puissance/prix s'appliquant de fait aux machines Apple. La sortie récente de microprocesseurs pour PC cadencés à 1 Ghz ne fera pas perdre à Apple sont statut de leader en puissance, un seul G4 à 500 Mhz suffisant à tenir le haut du pavé, battant encore légèrement n'importe quel PC tournant à 1 Ghz.



Le pari d'Apple : la guerre des microprocesseurs est dépassée


En proposant des Powermacs équipés de deux G4 et cela à des tarifs bien inférieurs au moindre PC embarquant une puce à 1 Ghz, Apple semble enfoncer définitivement le clou. Une faiblesse, diront les mauvaises langues, cela parce que Motorola et IBM sont incapables de fournir des microprocesseurs affichant une fréquence de 1 Ghz et que ce facteur est un argument commercial considérable, de nombreuses personnes pensant qu'une machine équipée d'une puce à 500 Mhz est deux fois moins rapide qu'une machine embarquant une puce à 1Ghz. Ils n'achèteraient donc pas la machine Apple, bien qu'elle soit en réalité plus rapide. Mais, en proposant des machines bi-processeurs, Apple fait selon moi beaucoup plus que de viser une clientèle qui n'achèterait une machine que sur la fréquence affichée : elle réalise surtout un immense pari. Elle dit non aux règles traditionnelles de la course à la puissance (assez logiquement d'ailleurs puisqu'elle le fait au moment même où le moindre microprocesseur récent, bon marché, affiche une puissance bien supérieure à celle utile à la grande majorité des utilisateurs d'ordinateurs), allant à contre-sens de l'ensemble du monde informatique avec une formidable arrogance qui, pour une fois, ne semble vraiment pas déplacée.

Ne verrons-nous pas, dans moins d'un an, des machines Apple pourvues de slots permettant de rajouter des microprocesseurs comme on rajoute actuellement des cartes de mémoire, avec la même simplicité ? Il faut s'y attendre. Car sur une telle orientation, plus que sur une autre, Apple, est encore susceptible de reprendre plusieurs années d'avance sur ses concurrents. Pourquoi? Parce que son bon développement repose à la fois sur la maîtrise totale du hardware et sur celle du software. A la différence des constructeurs de PC qui ne fabriquent jamais que des machines, Apple conçoit aussi le système d'exploitation qui fait tourner ses ordinateurs. Apple peut donc bâtir des machines en fonction des innovations qu'elle souhaite appliquer à son système d'exploitation et, en même temps, adapter Mac OS à la structure particulière de ses futures machines. Pour ces raisons, nous pouvons estimer que, plus que personne, Apple est en position de tirer rapidement le meilleur parti d'une solution multi-processeur. Et nous savons qu'il y a bien longtemps qu'elle y travaille : depuis Mac OS 8, un certain dossier "Multitraitement" abritant un module hante le dossier "Extensions" du "Dossier Système"... Mac OS X, nous promet Apple, sera capable d'exploiter toute la puissance des nouveaux bi-G4, ce qui n'est pas le cas avec Mac OS 9. Quant aux autres applications, la plupart d'entre elles ne sont encore capables d'utiliser que la puissance d'un seul processeur (elles font comme si l'autre puce n'existait pas). Il faudra donc attendre leur adaptation...

Tous les analystes et professionnels prétendument indépendants qui ne manquent pas de critiquer Apple, ou qui feignent de se moquer d'elle en lançant qu'elle doit se sentir bien faible face aux PC à 1 Ghz pour oser présenter des machines encore incapables d'exploiter leur prétendue puissance, ont bien du souci à se faire dans un avenir très proche. La polémique déplacée (ils oublient même soigneusement de noter qu'un seul G4 500 est encore plus puissant et coûte beaucoup moins cher que n'importe quelle puce à 1GHz) qu'ils se chargent d'alimenter depuis plusieurs semaines ressemble au chant du cygne ! Mais nous pouvons comprendre leur réaction. C'est tout leur petit monde bien rangé qu'Apple remet en question par son seul choix technologique. En disant non à la course à l'armement en puces toujours plus rapides, Apple fait un geste bien embarrassant, soulignant que la puissance est là, suffisante, bon marché et extensible a volonté, et que mieux vaut consacrer ses finances à d'autres développements... Oui, l'embarras est immense car que voudriez-vous au juste que des fabricants de PC développent, eux qui, à l'exception d'IBM, n'ont jamais été capables de concevoir le moindre logiciel? Et s'ils n'ont pas chaque année des machines équipées de puces plus puissantes à vendre, que vendront-ils donc, sur quel argument assez convaincant? Aïe! Tout ce beau monde semble bien mal parti... Apple est encore en train de donner le ton, mais plus que jamais, elle semble maintenant entraîner le monde PC sur son propre terrain. Là où presque plus personne ne peut la suivre, là où l'avenir serait moins fait de l'introduction régulière de nouvelles technologies que d'intelligence dans l'utilisation des technologies déjà à disposition...L'effondrement sensible du géant Dell est le premier signe de la fin du règne des pures marchands de mécanique. Il ne suffit plus de proposer des configurations toujours plus musclées à bas prix pour espérer vivre. Ce type de marché est, depuis cette année, sur la pente descendante. C'est le concept même d'ordinateur qu'il faudra très vite repenser, ne serait-ce que pour donner un second souffle au marché informatique. Apple l'avait compris il y a déjà plus de deux ans : grâce au design, elle fit de l'ordinateur un objet de désir plus qu'un produit technologique. Gageons qu'elle ira bientôt plus loin, repensant bientôt l'ordinateur au delà des apparences, lançant une révolution radicale à l'image de celle de ses débuts, oubliant tout ce qui fait un "ordinateur" pour mieux le réinventer. Et si Steve Jobs n'avait pas la moindre idée de ce que pourrait être l'ordinateur de demain, qu'il me contacte...

15 août 2000sommaire i & Mac

copyrights bruno lapeyre